Philippines: manifestation autour de projets anti-inondations "fantômes"
Des milliers de Philippins manifestent dimanche à Manille pour exprimer leur colère face à un scandale de corruption autour d'infrastructures anti-inondations "fantômes", qui auraient coûté des milliards de pesos aux contribuables.
Près de 50.000 personnes se sont réunies dimanche matin dans le parc Luneta de la capitale Manille, selon des estimations municipales. Ils devraient être davantage en fin de journée.
"C'est très rare que je prenne part à des manifestations", a déclaré à l'AFP Mitzi Bajet, un designer de 30 ans qui a voulu dire : "ça suffit maintenant !".
Les projets anti-inondations sont au coeur du plus grand scandale de corruption que les Philippines aient connu depuis des décennies, qui a déjà précipité la chute du président du Sénat et de Martin Romualdez, président de la chambre basse et cousin du chef d'Etat.
La polémique a fait la Une des journaux, et la question était au centre du discours sur l'état de la nation du président Ferdinand Marcos en juillet, après plusieurs semaines d'inondations meurtrières dans l'archipel.
"S'il y a un budget pour des projets fantômes, alors pourquoi n'y a-t-il pas de budget pour le secteur de la santé ?", s'interroge Aly Villahermosa, une étudiante infirmière de 23 ans qui qualifie le détournement de fonds publics de "véritablement honteux".
Teddy Casino, président de Bagong Alyansang Makabayan, une alliance d'organisations de gauche, demande le remboursement des fonds et de la prison pour les responsables.
"Les gens descendent dans la rue et expriment leur indignation dans l'espoir de faire pression sur le gouvernement pour qu'il fasse réellement son travail," explique-t-il.
Une foule encore plus importante était attendue plus tard dans la journée sur une avenue emblématique des manifestations de masse qui avaient chassé Ferdinand Marcos, père du président actuel, en 1986.
- Paiements en espèce -
Mais des journalistes de l'AFP ont vu des groupes de jeunes jeter des pierres et des bouteilles à des policiers et incendier les pneus d'un camion près d'un pont conduisant au palais présidentiel.
La police a procédé à 17 arrestations, ont annoncé les autorités.
Puis à peine une heure plus tard d'autres affrontements ont eu lieu lorsque la police a utilisé des canons à eau contre des manifestants masqués. Des policiers ont ramassé des pierres pour les lancer sur des manifestants, a constaté un journaliste de l'AFP.
On ignorait à ce stade si les protestataires impliqués dans ces affrontements avec les forces de l'ordre faisaient partie des manifestants anticorruption.
Plus tôt ce mois-ci, les propriétaires d'une entreprise de construction ont accusé près de 30 parlementaires et des responsables du Département des Travaux publics et des autoroutes (DPWH) de recevoir des paiements en espèces.
Le préjudice financier s'élèverait à 118,5 milliards de pesos (1,75 milliard d'euros) entre 2023 et 2025, selon le ministère philippin des Finances. Greenpeace a suggéré un chiffre bien plus élevé, proche des 15,3 milliards d'euros.
Pour Elizabeth Abanilla, une octogénaire rencontrée par l'AFP lors d'une récente visite à Bulacan, une province au nord de Manille touchée par les crues, aussi bien les hommes politiques que les chefs d'entreprises sont coupables.
"Ils n'auraient pas dû remettre (l'argent) avant que le travail soit terminé", estime-t-elle.
H.Erikson--MP