

Les dermatologues à fleur de peau sur la question de leurs effectifs
Retraités non remplacés, rendez-vous raréfiés: les dermatologues alertent sur leurs effectifs fondus comme neige au soleil, alors qu'ils sont centraux face aux cancers de la peau, un des dangers de l'été pointé par les pouvoirs publics.
La colère et l'amertume des "dermatos" sont attisées depuis la publication au Journal officiel du 31 juillet du nombre d'internes du secteur, fixé à 102 pour la rentrée universitaire 2025-26.
"Ce n'est clairement pas suffisant, on est hyper-déçus, on voudrait 125 nouveaux internes par an", soupire auprès de l'AFP Gaëlle Quéreux, une des dirigeantes de la Société française de dermatologie (SFD).
Mariam Deriouich, une des responsables de la FDVF, association des futurs "dermatos", décrit à l'AFP une "pénurie de dermatologues", avec "seulement 3,26 pour 100.000 habitants" en France métropolitaine. Par comparaison, ce taux s'élève à 5,93 pour l'ophtalmologie, selon l'Ordre des médecins.
"Il y a 15 ans, on était environ 4.000, maintenant, on est 2.900", assène encore Gaëlle Quéreux, qui est cheffe des services de dermatologie au CHU de Nantes.
La relève "ne suffit pas à combler les départs en retraite", souligne-t-elle. Un déficit "voué à s'aggraver dans les prochaines années avec le vieillissement de la profession", selon Mariam Deriouich, interne en dermatologie au CHU de Caen.
- "De 3 à 6 mois" -
Près de la moitié des "dermatos" ont plus de 55 ans, selon l'Ordre des médecins.
Et les délais pour les rendez-vous s'étirent, "autour de 3 à 6 mois" selon Gaëlle Quéreux.
"A la difficulté de trouver un dermatologue, s'ajoute celle d'en trouver un sensibilisé à des cas singuliers, qui renvoie vers le bon centre de référence", éclaire pour l'AFP Sylvie Le Moal, présidente de l'Association française des malades atteints de porphyries, maladies rares aux formes cutanées, entre autres.
Actuellement le mot "dermatologue" résonne dans les campagnes de sensibilisation sur les risques de cancers de la peau liés à l'exposition au soleil. Et Santé publique France rappelle son rôle dans l'examen de "l'ensemble de la peau du corps - y compris le cuir chevelu, les ongles, les paumes des mains et plantes des pieds - à la recherche d'anomalies".
"Je comprends cet agacement, cette colère de se dire qu'on n'arrive pas à avoir un rendez-vous chez le dermatologue pour une surveillance de grain de beauté ou quand on a une suspicion de cancer", rebondit Gaëlle Quéreux.
- Esthétique en question -
Comment expliquer alors un nombre limité d'internes? "On nous répond qu'on manque cruellement de médecins généralistes et que, depuis le Covid, on réalise qu'il faut également des réanimateurs, des infectiologues", brosse cette oncodermatologue, c'est-à-dire spécialiste des cancers cutanés.
C'est l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) qui propose aux ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur le nombre et la répartition des effectifs de professionnels de santé à former. Sollicité par l'AFP, cet organe n'a pas donné suite.
Mariam Deriouich dénonce aussi une "croyance actuelle": les dermatologues délaisseraient "la médecine au profit de l'esthétique".
L'Assurance maladie préconise d'ailleurs dans son rapport de juin de "limiter les soins de confort, esthétique" devant les "difficultés d'accès aux soins" chez des "médecins généralistes ou dermatologues".
A titre personnel, et sans rapport avec la porphyrie concernant son fils, Sylvie Le Moal a voulu "très récemment consulter pour une tache un peu inquiétante" à Paris. Et de constater: "Pour la dermato-esthétique, on a pléthore de rendez-vous possibles sur Doctolib, pour le dermato-médical, les premières consultations sont très difficiles à obtenir".
Gaëlle Quéreux rétorque que si "64% des dermatologues font de l'esthétique", pour "la plupart d'entre eux c'est moins de 10% de leur activité au quotidien". "Ces préjugés nous desservent", appuie Mariam Deriouich.
O.Braun--MP