Münchener Post - "Enraciné dans la terre": un olivier millénaire défie la violence en Cisjordanie

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"Enraciné dans la terre": un olivier millénaire défie la violence en Cisjordanie
"Enraciné dans la terre": un olivier millénaire défie la violence en Cisjordanie / Photo: John Wessels - AFP

"Enraciné dans la terre": un olivier millénaire défie la violence en Cisjordanie

Sous le soleil encore vigoureux de novembre, Salah Abou Ali récolte avec soin les fruits du plus vieil olivier de Cisjordanie occupée, pendant que dans le reste du territoire, la récolte des olives est balayée par les violences entre colons et Palestiniens.

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"Ce n'est pas un arbre ordinaire. Il s'agit d'histoire, de civilisation, de symbole", déclare fièrement l'homme de 52 ans, souriant derrière sa barbe épaisse dans son village d'al-Walajah, au sud de Jérusalem.

La plupart des oliviers atteignent environ trois mètres de haut à maturité. Celui-ci les domine, avec son tronc principal de près de deux mètres de large, flanqué d'une douzaine de branches grosses comme des troncs.

Selon M. Abou Ali, des experts italiens et japonais ont estimé l'âge de l'arbre, qui a survécu à des siècles de sécheresse et de conflits, à 3.000 à 5.500 ans. L'AFP n'a pas pu vérifier l'âge auprès de ces experts.

Autour de l'arbre, M. Abou Ali cultive une petite oasis de calme.

Non loin de là, se dresse le mur israélien de séparation de la Cisjordanie, dont les cinq mètres de béton sont surmontés de fil barbelé.

Plus de la moitié des terres d'al-Walajah se trouvent maintenant de l'autre côté de ce mur installé par Israël en Cisjordanie occupée.

Mais le village palestinien a, jusqu'à présent, été épargné par les attaques des colons qui émaillent la récolte d'olives de cette année, faisant de nombreux blessés parmi les Palestiniens.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967. Aujourd'hui, quelque 500.000 Israéliens résident dans ce territoire palestinien, dans des colonies illégales selon le droit international. Depuis le début de la récolte mi-octobre, des colons israéliens attaquent presque quotidiennement des agriculteurs essayant d'accéder à leurs champs d'oliviers.

Presque aucun d'entre eux n'a été inquiété par l'armée ou la police israélienne, selon des organisations de défense des droits humains israéliennes. Les forces israéliennes dispersent les Palestiniens avec des gaz lacrymogènes ou bloquent l'accès à leurs terres, ont constaté à plusieurs reprises des journalistes de l'AFP.

Selon la Commission de résistance à la colonisation et au mur, qui dépend de l'Autorité palestinienne, 2.350 attaques ont été menées par l'armée israélienne et les colons en Cisjordanie en octobre.

- "Symbole de résistance palestinienne" -

Mais à Walajah, à ce jour, Abou Ali peut encore prendre soin de son vieil arbre. Selon lui, si la récolte est bonne, l'olivier peut produire entre 500 et 600 kg d'olives.

Cette année, les faibles précipitations ont donné une récolte modeste, y compris pour l'arbre millénaire que les habitants appellent le Vieux, l'Arbre bédouin ou encore la Mère des olives.

"Il est devenu un symbole de la résistance palestinienne — l'olivier représente le peuple palestinien lui-même, enraciné dans cette terre depuis des milliers d'années", a déclaré le maire de Walajah, Khader Al-Araj, soulignant sa profonde signification culturelle pour les Palestiniens.

Le ministère de l'Agriculture de l'Autorité palestinienne, basée à Ramallah, a désigné M. Abou Ali comme gardien officiel de l'arbre.

"L'huile de cet arbre est exceptionnelle — plus l'arbre est vieux, plus l'huile est riche", affirme-t-il, en soulignant que cette ressource précieuse, qu'il appelle "l'or vert", coûte quatre à cinq fois plus cher qu'une huile ordinaire.

Les touristes étrangers venaient autrefois pour voir l'arbre, mais ils sont bien moins nombreux depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023, explique M. Abou Ali, en raison des restrictions de mouvement et des points de contrôle renforcés à travers la Cisjordanie.

Walajah n'est pas à l'abri des difficultés rencontrées par les autres villages palestiniens de Cisjordanie.

En 1949, après la création de l'Etat d'Israël, une grande partie des terres du village a été prise et des familles ont dû quitter leurs maisons pour aller s'établir de l'autre côté de la ligne d'armistice, dite "ligne verte".

Selon les accords d'Oslo, signés au début des années 90 et censés conduire à la paix entre Palestiniens et Israéliens, la majorité des terres restantes de Cisjordanie (environ 66%) ont été désignées comme "zone C" et sont à ce titre sous contrôle israélien.

Mais dans cette zone, les Palestiniens disent ne pas obtenir de permis de construction des autorités israéliennes et de nombreux foyers sont confrontés à des ordres de démolition pour absence de permis.

"Aujourd'hui, al-Walajah incarne presque toutes les politiques israéliennes en Cisjordanie : les colonies, le mur, les démolitions de maisons, les confiscations de terres", affirme le maire, Qader Al-Araj, à l'AFP.

Pour l'instant, M. Abou Ali continue de prendre soin du vieil arbre, en plantant des herbes et des arbres fruitiers tout autour et en tenant un livre d'or rempli de messages de visiteurs dans des dizaines de langues.

"Je suis devenu une partie de l'arbre. Je ne peux pas vivre sans lui", dit-il.

B.Fuchs--MP