

Friedrich Merz, un mal-aimé puni avant même d'avoir commencé
Il se croyait enfin arrivé au but... Le conservateur Friedrich Merz, qui a échoué mardi à se faire élire chancelier au premier tour par les députés, fait figure de héros tragique, mal aimé par la population et qui peine à rassembler ses rangs.
L'aspirant chancelier de 69 ans n'a certes pas perdu ses chances d'accéder aux commandes de la première puissance économique européenne.
Mais le rejet inédit de son élection au Bundestag lors du premier tour jette une ombre sur sa personne et l'ensemble de son gouvernement avec le centre gauche du SPD tant attendu en Europe dans un contexte géopolitique chamboulé par Donald Trump et menacé par Vladimir Poutine.
Même s'il était intronisé au second tour, "les dégâts seraient importants. Merz est désormais considéré comme un chancelier affaibli, sans alliance stable, et sa cote de popularité n'est déjà pas bonne", juge Der Spiegel.
Faisant montre d'une rare persévérance, il était revenu sur le devant de la scène politique après avoir été écarté du pouvoir au début des années 2000 par Angela Merkel, alors qu'il se considérait comme l'héritier naturel d'Helmut Kohl, le père de la réunification allemande.
Ce multi-millionnaire, pilote amateur et propriétaire d'un jet privé, a longtemps été perçu comme un grand bourgeois hautain, même s'il a tenté lors de la campagne de renvoyer une image d'élu accessible et humain, se montrant verre de bière à la main lors un meeting, ou dévoilant des drames privés méconnus comme le décès à 21 ans de sa jeune soeur dans un accident de voiture.
- Promesse trahie -
Mais l'impulsif Friedrich Merz, dont le camp conservateur CDU/CSU a remporté sans gloire le scrutin législatif du 23 février, a surtout brusqué à la fois la population et son parti en assouplissant peu après les élections le sacro-saint "frein à la dette", inscrit dans la constitution nationale, pour réarmer et moderniser le pays.
Et ce alors même qu'il s'était engagé à ne pas y toucher pendant la campagne électorale.
Cela a profité au parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), arrivé deuxième avec un score historique aux législatives, qui dénonce à l'envi son "mensonge".
Cette formation a récemment dépassé les conservateurs dans des sondages et ses députés ont jubilé mardi à l'annonce de son échec au Bundestag.
L'avocat de formation a en outre flirté avec ce parti en votant avec lui une résolution sur la migration au Bundestag en janvier.
Cette manoeuvre inédite depuis l'après-guerre, qui lui a coûté des voix aux élections, avaient provoqué de grandes manifestations de protestation dans le pays. Il a depuis dit exclure toute coopération malgré les exhortations de Trump et de ses proches.
- Loué à l'étranger
S'il peine à convaincre chez lui, celui qui n'a jamais occupé de poste ministériel suscite les espoirs de ses pairs européens comptant sur Berlin à un moment où le continent cherche à s'affranchir de la tutelle militaire d'un allié américain devenu imprévisible pour assurer sa défense face à la menace russe.
Atlantiste convaincu, il a toutefois promis de ramener son pays au centre du jeu européen avec une "voix forte" pour défendre les intérêts du continent, ce qui passe par un resserrement des liens avec Paris mais aussi avec Varsovie.
Et le soutien sans faille à l'Ukraine contre la guerre d'agression russe fait parti des priorités de son futur gouvernement.
En matière de politique domestique, l'ancien député européen (1989-1994) puis au Bundestag a promis un net virage à droite, avec notamment un durcissement des règles migratoires.
Lors de son élection - après deux échecs - à la tête de la CDU en 2022 , il avait annoncé un renversement complet de la généreuse politique d'accueil héritée d'Angela Merkel (2005-2021).
Une revanche face à celle qui l'écarta en 2002 du poste stratégique de président du groupe parlementaire CDU, le conduisant à se reconvertir dans la finance en 2009, notamment chez BlackRock, l'un des plus gros gestionnaires d'actifs au monde.
Celui qui a promis de "redonner sa fierté" à l'Allemagne devra aussi trouver la parade pour résoudre la crise profonde du modèle industriel traversée par le pays, qui a enchaîné deux récessions d'affilée et dont l'économie reste faible.
A.Schneider--MP