Intenses affrontements entre la Thaïlande et le Cambodge, au moins 12 morts
La Thaïlande a mené jeudi des frappes contre des cibles militaires cambodgiennes tandis que Phnom Penh a lancé contre son voisin des tirs d'artillerie et de roquettes, faisant au moins 12 morts selon Bangkok, dans des affrontements frontaliers d'une rare intensité.
Les deux royaumes d'Asie du Sud-Est se déchirent de longue date sur le tracé de leur frontière commune, définie durant l'Indochine française, mais des affrontements à ce niveau de violence n'avaient pas secoué la région depuis presque quinze ans.
Le ministère thaïlandais de la Santé a fait état d'un bilan de 12 morts, dont 11 civils, ainsi que 35 blessés. Huit civils ont été tués dans la province de Sisaket, où une attaque à la roquette a touché une supérette près d'une station-service.
"J'étais absolument sous le choc", a-t-il poursuivi. "J'ai peur d'une escalade durant la nuit, quand on ne peut plus rien voir. Je n'ose même pas dormir".
Un enfant de huit ans a aussi perdu la vie dans la province de Surin (nord-est), selon les autorités.
Les combats se concentrent autour de six endroits, a indiqué l'armée thaïlandaise, où des troupes au sol soutenues par des tanks se battent contre les forces cambodgiennes pour le contrôle du terrain.
La Thaïlande a déployé jeudi matin six avions de combat F-16 pour frapper "deux cibles militaires cambodgiennes au sol", a déclaré le porte-parole adjoint des forces armées, Ritcha Suksuwanon.
Le Cambodge n'a communiqué aucun bilan jusque-là. La porte-parole du ministère khmer de la Défense Maly Socheata a refusé de répondre à une question sur d'éventuelles victimes lors d'une conférence de presse.
- "Légitime défense" -
La Chine, qui entretient traditionnellement de bonnes relations avec les deux pays, a exhortés ses voisins à résoudre leur différend frontalier par le dialogue, se disant "profondément préoccupée", selon un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun.
Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, qui occupe la présidence tournante de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), a lui appelé les deux pays à la "retenue", disant espérer qu'ils ouvrent des négociations.
Bangkok et Phnom Penh sont engagés dans un bras-de-fer depuis la mort d'un soldat khmer fin mai, lors d'un échange nocturne de tirs dans une zone contestée surnommée le "Triangle d'émeraude".
Des mesures de représailles, décrétées par les deux camps malgré des appels à l'apaisement, ont déjà affecté l'économie et le sort de nombreux habitants des régions concernées.
Un nouvel échange de coups de feu près de vieux temples disputés, survenu jeudi après 08H00 (01H00 GMT) au niveau de la province thaïlandaise de Surin (nord-est) et celle cambodgienne d'Oddar Meanchey (nord-ouest), a remis le feu aux poudres.
Les deux armées se sont mutuellement accusées d'avoir fait feu en premier.
Le ministère cambodgien de la Défense a assuré que ses troupes avaient exercé leur "droit de légitime défense" pour repousser une "incursion" thaïlandaise.
Le Premier ministre cambodgien Hun Manet a partagé sur Facebook une lettre qu'il a adressée au président du Conseil de sécurité de l'ONU dans laquelle il a réclamé une réunion "d'urgence" du Conseil de sécurité.
Le porte-parole du gouvernement thaïlandais Jirayu Houngsub a condamné les actions du Cambodge "avide de guerre" en ciblant des civils.
L'ambassade thaïlandaise au Cambodge a aussi appelé ses concitoyens à quitter le pays "le plus tôt possible".
- Mines -
Mercredi, Bangkok a rappelé son ambassadeur en place à Phnom Penh et expulsé de son territoire l'ambassadeur cambodgien, après qu'un soldat thaïlandais a perdu une jambe en marchant sur une mine à la frontière.
Une enquête de l'armée thaïlandaise a permis de déterminer que le Cambodge avait posé de nouvelles mines à la frontière, ont indiqué les autorités thaïlandaises.
Le Cambodge a rejeté ces accusations et indiqué que des zones frontalières restent infestées de mines actives datant de "guerres du passé". Le pays a aussi dégradé ses relations avec la Thaïlande "au plus bas niveau".
L'ambassade de France en Thaïlande a "fortement déconseillé" les déplacements dans une zone frontalière allant de Phanom Dong Rak à Chong Bok, côté thaïlandais.
L'épisode moderne le plus violent lié à la frontière remonte à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins 28 morts et des dizaines de milliers de déplacés.
P.Mueller--MP