

Inde : la ville de Leh sous couvre-feu au lendemain de manifestations meurtrières
La police a repris jeudi le contrôle de Leh, dans l'extrême nord de l'Inde, au lendemain de violentes manifestations pour l'autonomie du territoire himalayen du Ladakh qui ont fait au moins cinq morts et une centaine de blessés.
D'ordinaire fréquentées par de nombreux touristes, les rues de la ville, placée en partie sous couvre-feu, sont restées largement désertes, arpentées seulement par des forces de l'ordre en armes, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Mercredi, des jeunes manifestants y sont descendus en masse pour exiger du gouvernement de New Delhi qu'il desserre le contrôle qu'il exerce dans cette région frontalière du Pakistan et de la Chine, très prisée des amateurs de randonnée.
Les incidents ont débuté lorsqu'une "foule indisciplinée" s'en est pris aux forces de l'ordre, a rapporté le ministère de l'Intérieur, qui a fait état de "plus de 30 policiers" blessés.
Les protestataires ont incendié les locaux du parti du Premier ministre ultranationaliste hindou Narendra Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP) et un véhicule de police, selon la même source.
La police a tenté de disperser la foule en utilisant des matraques et du gaz lacrymogène, avant d'ouvrir le feu en état de "légitime défense", a expliqué le ministère, "ce qui a malheureusement entraîné des pertes humaines".
Le ministère n'a pas précisé le nombre de victimes.
Un officier de police s'exprimant sous couvert d'anonymat a fait état auprès de l'AFP d'au moins 5 morts dans les rangs des manifestants, ainsi que plusieurs dizaines de blessés.
Un médecin a confié jeudi à l'AFP que le principal hôpital de Leh avait traité une centaine de personnes depuis mercredi, dont des policiers.
- "Tout est fermé" -
"Nous avons opéré 6 blessés, dont trois souffrant de blessures par balle, d'autres d'hémorragies internes ou de côtes cassées", a décrit le soignant, qui a refusé de donner son identité.
Toujours hospitalisé jeudi, un manifestant, Jigmet Stanzin, 23 ans, a raconté avoir été atteint par "une mini-grenade, du même type que celles utilisées dans les entraînements de l'armée". "Elle a explosé et m'a détruit la main", a-t-il poursuivi.
Jeudi, la ville de Leh était entièrement quadrillée par les forces de l'ordre.
"Tout est fermé. Je n'ai pas réussi à trouver de nourriture depuis hier", a raconté Paras Pandey, un touriste indien de 27 ans en quittant la ville.
Désertique et montagneuse, la région du Ladakh est un "territoire de l'Union indienne", placé sous l'autorité directe de New Delhi. Près de la moitié de ses 300.000 habitants sont de confession musulmane, et 40% bouddhistes.
Les manifestations de mercredi ont été organisées en soutien à un activiste, Sonam Wangchuk, en grève de la faim depuis deux semaines.
Il exige que le Ladakh devienne un Etat fédéré à part entière, donc doté d'élus locaux, ou obtienne à défaut une forme d'autonomie pour ses populations tribales, notamment en matière d'accès à la terre ou de protection de l'environnement.
Le ministère de l'Intérieur a imputé la responsabilité des violences à ses "discours provocants" et assuré être sensible aux droits des populations locales.
Le Ladakh a fait partie pendant des décennies de l'Etat indien du Jammu-et-Cachemire, dont le statut de semi-autonomie a été révoqué en 2019 par le gouvernement de M. Modi.
Séparés, les deux territoires sont depuis placés sous l'autorité directe de New Delhi.
M.Schulz--MP