Un navire de guerre américain prend amarre à Trinité-et-Tobago, face au Venezuela
Un navire de guerre lance-missile américain est arrivé dimanche à Port d'Espagne, capitale de Trinité-et-Tobago, petit archipel situé à une dizaine de kilomètres du Venezuela, alors que le président américain Donald Trump accentue sa pression sur son homologue Nicolas Maduro.
La venue de l'USS Gravely, ainsi qu'une unité de marines, pour des exercices avec l'armée trinidadienne, avait été annoncée jeudi par le gouvernement de ce pays anglophone de 1,4 million d'habitants.
Le président Trump a aussi annoncé l'arrivée du porte-avions Gerald R. Ford, le plus grand au monde, une montée en puissance considérable des moyens militaires américains dans la région que M. Maduro a dénoncé vendredi comme une tentative d'"inventer une nouvelle guerre".
Donald Trump accuse son homologue vénézuélien d'implication directe dans le trafic de drogue, ce que ce dernier dément formellement. Pour M. Maduro, Washington se sert du trafic de drogue comme prétexte "pour imposer un changement de régime" et s'emparer des importantes réserves de pétrole de son pays.
- "Entre deux murs" -
A Port d'Espagne, certains soutiennent la présence américaine si près des côtes vénézuéliennes. "C'est pour aider à nettoyer les problèmes de drogue qui sont sur le territoire" vénézuélien, estime Lisa, une habitante de 52 ans qui préfère ne pas donner son nom de famille. "C'est pour la bonne cause, beaucoup de gens seront libérés de l'oppression" et du "crime", ajoute-t-elle.
De nombreuses personnes interrogées expriment cependant une inquiétude face à l'arrivée du navire. Le président Trump a évoqué des frappes contre des cartels sur le territoire vénézuélien et a dit avoir autorisé des opérations clandestines sur le sol du pays sud-américain.
"S'il arrivait quelque chose entre le Venezuela et l'Amérique (...) nous pourrions finir par recevoir des coups", redoute Daniel Holder, 64 ans. Assis sur une place du centre de la capitale, ce rasta est opposé à la stratégie de son gouvernement.
La Première ministre de Trinité-et-Tobago, Kamla Persad-Bissessar, est un fervent soutien de M. Trump, et a adopté dès son accession au pouvoir en mai dernier un discours virulent contre l'immigration et la criminalité vénézuéliennes dans son pays.
Elle devrait laisser Washington et Caracas régler leur différend "au lieu d'essayer de s'interposer", regrette-t-il. C'est comme "être entre deux murs", soupire M. Holder.
- "Alarmant" -
Les États-Unis mènent depuis début septembre, essentiellement dans les eaux caribéennes mais aussi dans le Pacifique, des frappes aériennes contre des embarcations présentées comme celles de narcotrafiquants.
Jusque-là, dix ont été revendiquées. Elles ont tué au moins 43 personnes, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres du gouvernement américain.
Deux Trinidadiens auraient été tués mi-octobre dans l'une d'elles, selon leurs familles. Les autorités locales n'ont ni confirmé ni infirmé ces décès.
Des experts ont remis en question la légalité des frappes dans des eaux étrangères ou internationales, contre des suspects qui n'ont pas été interceptés ou interrogés.
"Nous n'avons pas besoin de tous ces meurtres et de ces bombardements, nous avons juste besoin de paix ... et de Dieu", affirme auprès de l'AFP Rhonda Williams, réceptionniste trinidadienne de 38 ans.
"Nous ne voulons pas de guerre, nous voulons (...) rester une nation souveraine, pacifique", dit aussi une cliente locale de l'hôtel Hyatt situé à côté du quai où est amarré le destroyer, préférant rester anonyme.
Randy Agard, citoyen américain en visite sur l'archipel, dit avoir des "émotions mitigées" à la vue du navire de guerre envoyé par son pays. Les Etats-Unis "essaient de s'immiscer partout pour tenter de contrôler tout le monde". Ce n'est pas "pour la sécurité des gens, c'est juste une question de contrôle", dit le jeune homme de 28 ans.
Trinité-et-Tobago compte une importante communauté vénézuélienne qui observe avec anxiété la montée des tensions dans la région.
"Le Venezuela traverse en ce moment une situation très difficile, au niveau social et économique" qui est "due au gouvernement", estime Ali Ascanio, un Vénézuélien de 38 ans installé dans l'archipel depuis huit ans.
L'arrivée du navire américain est "alarmant parce que nous savons que c'est un signe de guerre". Ce vendeur de fruits et légumes espère que la pression américaine poussera Nicolas Maduro à "partir bientôt".
"C'est préoccupant, bien sûr (...) parce que j'ai ma famille là-bas au Venezuela", pays qui "n'est pas en état de subir une attaque", confie Victor Rojas, un jardinier vénézuélien de 35 ans.
F.Hartmann--MP