Bélarus: le prix Nobel de la paix Bialiatski et l'opposante Kolesnikova libérés
Le Bélarus a libéré samedi le militant Ales Bialiatski, colauréat du prix Nobel de la paix 2022, et l'opposante Maria Kolesnikova, a annoncé l'ONG de défense des droits humains Viasna, après des pourparlers entre Minsk et Washington.
Ces deux figures de l'opposition, détenues depuis plus de quatre ans dans ce pays d'Europe orientale allié à la Russie, font partie d'un groupe de 123 personnes, dont la libération a été annoncée par Minsk.
Le président bélarusse Alexandre Loukachenko a gracié "123 citoyens de différents pays", a indiqué sur Telegram le compte Poul Pervogo, affilié à la présidence, sans fournir leurs noms.
Le compte précise que ces libérations s'inscrivent dans le cadre "d'accords conclus" avec Donald Trump impliquant notamment la levée par Washington, annoncée plus tôt samedi, de sanctions économiques américaines contre Minsk.
Parmi les personnes libérées figurent également d'autres militants et journalistes, ainsi que Viktor Babariko, un ancien banquier devenu opposant qui avait tenté, avant son arrestation, de se présenter contre Alexandre Loukachenko lors de l'élection présidentielle contestée d'août 2020.
Avec Maria Kolesnikova, qui était sa collaboratrice, ils se trouvent actuellement en Ukraine, où ils ont été conduits en bus.
"Je pense aux gens qui ne sont pas encore libres et j'attends ce moment où nous pourrons tous nous prendre dans les bras", a déclaré Maria Kolesnikova, dans une vidéo diffusée par le programme gouvernemental ukrainien "Je veux vivre".
Sur ces images, elle dit avec un grand sourire ressentir "un sentiment de bonheur irréel" et observer "la beauté" d'un "premier coucher de soleil en tant que personne libre".
L'opposante a parlé également brièvement par téléphone avec Volodymyr Zelensky, a indiqué un conseiller du président ukrainien, Dmytro Lytvyn.
Au total, 114 des personnes libérées ont été transférées en Ukraine, selon Kiev, tandis que les autres sont arrivées à Vilnius, en Lituanie.
- Prix Nobel en 2022 -
Agé de 63 ans, Ales Bialiatski a fondé en 1996 et animé pendant des années Viasna ("Printemps"), le principal groupe de défense des droits humains et source essentielle d'informations sur les répressions au Bélarus.
Musicienne de formation, Maria Kolesnikova, 43 ans, a pour sa part été l'une des meneuses des manifestations massives contre la réélection jugée frauduleuse d'Alexandre Loukachenko, en 2020.
Tous deux avaient été arrêtés lors de la répression brutale de ce mouvement de protestation et condamnés à de lourdes peines de prison.
En septembre 2020, Maria Kolesnikova avait été enlevée par les services de sécurité bélarusses et conduite à la frontière ukrainienne pour être expulsée du Bélarus.
Mais elle était parvenue à déchirer son passeport, ce qui avait rendu son expulsion légalement impossible et avait d'elle un symbole de la résistance anti-Loukachenko.
Alors qu'il était en détention, le travail d'Ales Bialiatski lui avait pour sa part valu en 2022 le prix Nobel de la Paix, partagé avec l'ONG Memorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine).
"Le prix Nobel, c'était une certaine considération de nos activités, de nos aspirations qui n'ont pas été encore réalisées. Et donc le combat continue", a déclaré M. Bialiatski après sa libération, dans une interview au média d'opposition bélarusse Belsat.
Le comité Nobel norvégien s'est dit "soulagé" par sa libération et demande celle de tous les autres prisonniers politiques dans le pays, qui en compte toujours 1.203, selon Viasna.
- Pourparlers avec Washington -
Ces libérations font suite à l'annonce par un émissaire américain, John Coale, en visite au Bélarus, de la levée des sanctions des Etats-Unis sur le potassium, un composant utilisé pour la fabrication d'engrais et dont le Bélarus est un grand producteur.
Ces derniers mois, Donald Trump a encouragé notamment le Bélarus à libérer les centaines de prisonniers politiques que compte le pays. Le président bélarusse Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis plus de 30 ans, a gracié des dizaines de personnes.
En échange, Washington avait déjà partiellement levé les sanctions contre la compagnie aérienne bélarusse Belavia, lui permettant d'entretenir et d'acheter des pièces pour sa flotte, qui comprend des Boeing.
John Coale a affirmé samedi que la proximité entre Alexandre Loukachenko et son homologue russe Vladimir Poutine pourrait être "très utile" dans la difficile médiation américaine en cours pour tenter de mettre fin à la guerre entre Kiev et Moscou.
Alexandre Loukachenko, 71 ans, a écrasé plusieurs mouvements de contestation, dont le plus important, en 2020 et 2021, l'avait sérieusement fragilisé, le poussant à appeler à l'aide Vladimir Poutine.
J.P.Hofmann--MP